regard du dedans, vie au dehors | le temps enroulé à l’infini et le jour ressemble à la nuit c’est ici que tout commence ou recommence là où l’histoire se dit
[jrnl|temps passé]
On aurait pu partir une semaine, s’évader pour de vrai, prendre le large comme on dit, rouler jusqu’à l’épuisement. On aurait pu longer la côte, s’enivrer des embruns, marcher sur des plages sauvages jusqu’à la nuit profonde et se perdre tout au bout de l’horizon, au point où la mer et le ciel ne font plus qu’un. On aurait pu imaginer que le vent nous aurait murmuré les fins tragiques des histoires oubliées depuis des décennies ou rapporter par bribes les rires des enfants jouant à s’attraper, les conversations des parents à la terrasse d’un café, les silences de ceux qui ne sont plus. On aurait pu, mais on est rentré, rattrapé par les vents forts et les puissantes pluies de saison.

Revenue dans l’antre protecteur de l’ordinaire de la vie, la suite était toute tracée. Ainsi, l’écriture est venue combler un temps qui aurait pu être dédié à une autre respiration, mais les conditions météorologiques en avaient décidé autrement. Ce fut sans regret. L’amorce d’un projet en tout et pour tout reporté.

Le bureau et devant le bureau la fenêtre comme un barrage contre la vie là-bas, une protection. Les heures solitaires et le défilé cadencé des pensées qui se construisent au fil de la journée. Il a fallu agir sur tous les fronts. Écriture en friche. Dire le carnet, alimenter le journal, terminer l’atelier et s’informer du suivant. Retrouver dans ce temps décalé la douceur du temps suspendu, cette bulle de mise à distance de demain, se souvenir de comment c’était avant que la vie ne prenne un autre rythme, celui de l’extérieur, du dehors, du manque de soi.

Demain, les semaines vont encore s’enchainer les unes après les autres. Il va falloir trouver des moments d’extraction au monde et poursuivre le chemin sans trop s’en éloigner.