jrnl|novembre en mai

regard du dedans, vie au dehors | le temps enroulé à l’infini et le jour ressemble à la nuit c’est ici que tout commence ou recommence là où l’histoire se dit

[jrnl|temps passé]

Ce matin, le sol reluit, scintille à la surface des flaques d’eau, le béton suinte. L’espace de quelques secondes, je réalise qu’on est le 22 et je ne peux m’empêcher de te souhaiter ton anniversaire, le 19ème depuis que tu es parti. Tu aurais eu 88 ans et mon cœur se resserre, chérit ton souvenir. Il fait 16°C, humide et une épaisse couche de brouillard enrobe la ville. Une impression de vivre novembre en mai, comme ce jour de juillet devant ta tombe au cimetière du fin. La brume persiste et mon esprit s’évade vers San Francisco, Londres, ces villes imprévisibles étroitement liées à l’humeur des gouttelettes en suspension dans les courants d’air inconstants. Confusion dans les horaires de tram. Au bout de la rue, le 7h02. Puis, passé le coin du carrefour, regarder le tram « direction Cantinolle » repartir de la station et croiser un autre tram pas prévu celui-ci à cette heure. Comment savoir s’il est en avance ou en retard sur son horaire ? En accélérant le pas, l’idée de pouvoir monter à bord se précise. Dans le tram, la jeune femme au JOT framboise regarde défiler la rue à travers une vitre sur laquelle s’accrochent encore quelques gouttes de pluie. Puis elle allume son portable et, sur l’application Snapchat, elle vérifie la position d’une personne et referme le rabat de la coque protectrice. Un homme se mouche bruyamment. La femme assise à côté de moi épluche d’un glissement du doigt de bas vers le haut des pages sur Vinted, j’ai reconnu le concept. Celle qui s’est assise en face d’elle, écouteur dans les oreilles semble regarder l’épisode d’une série. La devanture du Casino sur Fondaudège ressemble à un rectangle orangé et se détache du mur de pierre rénové. À l’intérieur quelqu’un a allumé les lumières. Sur les espaces verts, pétales de roses et pâquerettes cohabitent.

Place de la Bourse, toujours la même personne qui descend et, l’air déterminé, se dirige vers le CCI situé dans l’angle droit. Souvent, elle porte un ensemble costume sobre, ses cheveux noirs coupés au carré volent dans le vent l’espace de quelques foulées, puis elle disparait derrière la porte après avoir composé un code sur un boitier mural. La place est à nouveau vide ce matin, un air frais la traverse.

Il y a ces façades meurtries avec leurs fenêtres anciennement murées qui m’interpellent, me bouleversent, me remuent à l’intérieur. Je m’interroge sur ce ressenti. Et puis, dans la rue de la République, il y a des portails entrouverts du même côté du trottoir, plutôt inhabituel à cette heure. Oubli d’un soir, négligence d’un matin. Une invitation à entrer, à transgresser l’intimité d’un lieu qui semble délesté de son âme. Le tram ferme ses portes sur l’arrêt Barrière du Médoc. Il faisait 14 degrés à mon départ. Je remarque des voyageurs en tee-shirt, d’autres ont revêtu une veste demi-saison, certains plus prudents un vêtement de pluie, le temps instable devrait déclencher des averses dans la journée. Arrêt Fondaudège Museum, un camion déverse un magma de béton qui devrait aider à la restauration et construction d’un bâtiment ancien dont seule la façade en pierre blonde subsiste. Dans le virage qui permet de contourner une partie de la place des Quinconces, je remarque les jets d’eau des fontaines du monument aux Girondins et me demande depuis quand ils sont actifs. En bout de place, non loin du fleuve, une grande roue a pris place pour le temps de la saison estivale.

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