[les carnets de route ailleurs là-bas]
éphémérides : lever du soleil 06:09, coucher 20:25, premier quartier /// prévision météo San Francisco : matin 14°C, après-midi 15 ress. 17, vent 30km/h rafales à 45, soir 14, nuit 14
TRAJET 26/07 /// San Francisco – jour 2
La chambre 107 du motel se trouve au-dessus de la réception. Le soir le gérant d’origine indienne d’Inde échange quelques mots en français et fume sa cigarette sur les marches en face de sa loge. Le matin, il discute volontiers avec ses hôtes, n’hésite pas à recueillir leur avis sur la ville. Il dit que depuis quelques temps, la ville a changé, elle est devenue plus sale, moins attrayante. Il confirme ce qu’on n’osait pas s’avouer. On a tellement aimé San Francisco dans les années 90. On ressent une pointe de déception. Aujourd’hui, Frisco semble avoir perdu son âme, usée par des années de contestations à faire respecter la différence et le droit d’exister pour tous. C’est une ville éteinte, encore sillonnée par des touristes étrangers pour la plupart bruyants et sans gêne, irrespectueux de l’autre qui se précipitent sur Fisherman’s Wharf, Alcatraz, Lombard Street ou sur Market Street pour prendre un Cable Car. On a croisé quelques résidents qui aiment leur ville, surtout pour son climat, mais constatent aussi de nombreuses failles.


On a marché longtemps sur Lombard Street jusqu’aux huit virages serrés au milieu des hortensias rosés et bleutés, aujourd’hui au bout de leur floraison. Puis on a poursuivi la marche jusqu’à Colombus Avenue avec en ligne de mire la fameuse Transamerica Pyramid. Un stop obligé pour honorer la mémoire des écrivains de la Beat Generation à la librairie City Lights Booksellers et au Vesuvio Cafe. L’esprit n’est plus là, mais il y avait cet homme, au look style SDF, assis au milieu des livres en train de lire de la poésie à voix haute. Il était tout à son texte, passionné, tournait les pages de ses doigts colorés par la crasse, s’encourageant d’un coup de tête au crâne partiellement rasé. Il a lu les quelques cinquantaines de pages jusqu’au bout, puis il s’est levé, à déposer le livre sur le comptoir sous les yeux de la caissière aux cheveux colorés en vert et il est sorti dans la rue.


Peu de monde dans le quartier chinois. Remonter Grant Ave jusqu’au Dragon Gate, puis s’arrêter au Café de la Presse, une brasserie style parisienne en bordure du quartier français. Se souvenir qu’on s’y était déjà arrêté. Derrière la vitre, on a cramé. On aurait dû prendre la table maintenant occupée par deux jeunes femmes qui dégustent avec grand intérêt une planche de charcuterie et un morceau de fromage accompagné de morceaux de pain frais. So french ! Deux paires de lunettes de soleil sont posées au bord de la table ronde.


Le soir, planifier les jours à venir. Le projet de prendre la route vers le sud, l’Arizona, n’est plus envisageable. Phœnix croule sous des chaleurs exorbitantes. Pas la peine de se mettre en difficulté. Peut-être poursuivre la route 1, la Californie du Nord devrait nous offrir quelques belles surprises, de la fraîcheur, des parcs aux arbres gigantesques en bordure d’océan. Peut-être aller tremper le bout des pieds dans le lac Tahoe, faire une boucle en passant par la Napa Valley. Encore une belle aventure à poursuivre.

