regard du dedans, vie au dehors | le temps enroulé à l’infini et le jour ressemble à la nuit c’est ici que tout commence ou recommence là où l’histoire se dit
[jrnl|temps passé]
En plein cœur du mois de septembre, il fait nuit lorsque je passe le portail de la maison. Une fois assise dans le tram, de ma place, j’assiste à ce moment toujours plaisant où le ciel s’éclaircit, se colore en douceur sans trop nous dévoiler ce que la journée nous réserve. A l’Est, le soleil s’apprête à se montrer, et à poursuivre sa route jusqu’au coucher. Quelques réflexions matinales saisies non loin de moi, je n’y prête que peu d’attention. Le tram traverse déjà les boulevards et, de part et d’autre, les phares des voitures éblouissent les passants pressés d’arriver jusqu’au quai du tram. Dans le carré, à côté et en face de moi, deux lycéens les yeux encore pleins de sommeil, des écouteurs blancs dans les oreilles. Derrière, deux collégiens papotent, contrôles, magie, épée magique, monstres, il parait que…. Je capte quelques bribes, j’ai du mal à tout rassembler, rien ne fait vraiment sens. La fille au JOT framboise s’efface derrière son visage inexpressif.

La lumière des réverbères est toute absorbée par le sol encore ruisselant des averses de la nuit. J’avance dans la nuit, remarque à peine la porte entrouverte de la dame âgée en fauteuil roulant et le petit homme à la casquette blanche (plus très blanche, en fait) que je croise sur le passage piéton de l’avenue Léon Blum. Le tram D est annoncé, je le vois arriver au loin, son gros phare blanc allumé. Comme hier, c’est un tram court, donc plus de monde dans un espace moindre. Je mets mon masque. Je suis la seule. Je trouve une place dans le sens de la marche dans le carré à l’arrière, juste à côté de la jeune femme au JOT framboise. Son portable allumé, elle joue à un jeu que je ne connais pas, style Candy Crush. C’est la première fois que je le remarque. Elle est adossée à la fenêtre et ne cesse de renifler. Je descends aux Quinconces, secouée par une envie soudaine de saluer Sanna, elle qui veille depuis dix ans sur la place de la Comédie. Sanna, de plus en plus majestueuse, de plus en plus inspirante, poétique. Se souvenir d’avoir croisé une de ses répliques en Californie cet été dans la Napa Valley au domaine de Hall.

Refaire le soir, à la nuit déjà bien tombée le trajet du tram D dans l’autre sens. Place de la Bourse, une musique prend possession de tout l’espace, le son d’un violon, un air triste. Je reconnais quelques mesures de Je l’aime à mourir. Près de la fontaine, des passants forment un demi-cercle autour d’une jeune femme, pieds nus, robe longue. Elle joue, habitée, son corps longiligne à l’écoute. Certains la filment avec leur portable. L’atmosphère est douce, les terrasses des cafés, celles des restaurants débordent de clients. Ambiance festive. On prend son temps, on refait le monde, les couverts claquent, les verres tintent et on s’enfonce dans la nuit.

Je suis passée dans la rue de la République sans m’apercevoir qu’au numéro 12 les volets étaient encore fermés. J’ai quitté la maison à 6h52 ce matin. C’est normal, je suis passée avant 7h. Je me demande ce que la dame âgée en fauteuil roulant fait durant ces quelques minutes avant que l’aide-ménagère ne fasse le code du padlock, prenne la clé et ouvre le volet de l’entrée en s’annonçant à voix haute, c’est moi ! Au passage piéton suivant, j’ai croisé le petit homme à la casquette blanche, il était vêtu d’un bermuda dont je n’ai pas saisi la couleur dans le noir, vert sapin ou bleu marine peut-être. J’ai vu passer le tram D, Hippodrome était noté en lettres lumineuses sur le devant de la cabine du conducteur. Deux personnes avaient pris place. A l’arrêt Fondaudège museum, le tram commence à être chargé. Dans mon dos, je devine le regard évasif de la jeune femme au JOT framboise, en me retournant vers la vitre, je tente de l’apercevoir, en vain. Le tram observe un arrêt à côté de la fontaine aux Girondins, la place des Quinconces baigne dans la nuit de cette fin d’été.

Bordeaux, un Amour de ville je pressens, encore des beaux mots, encores des belles phrases pour sentir cette belle ville comme une Bordelaise, comme un Bordelais et non plus comme un touriste errant au hasard des rues
Bordeaux, toujours dans mon coeur ! merci pour cette visite sur le blog