rt|sur la côte vendéenne, l’île d’yeu en automne

13h36, on rentre dans le département de la Charente-Maritime. Nuages bas, gris, à peine une éclaircie au loin. L’autoroute serpente dans la campagne. Après les parcelles de vignobles, les champs de tournesol, de maïs où ne reste qu’un paysage désolé d’une multitude de pieds coupés à ras. La texture du ciel s’épaissit, s’uniformise, se reflète sur le revêtement de l’autoroute. Aux abords de Fromentine, les nuages jouent avec leurs reflets dans les canaux d’irrigation.

Bientôt 18h, nous sommes bientôt installés dans le bateau de la Compagnie vendéenne. Les passagers se fraient un passage dans les allées encombrées, certains prennent place dehors, à l’arrière du bateau. Au début les enfants parlent fort, les adultes se saluent, se retrouvent pour certains. Un groupe de chasseurs avec deux chiens monte à bord devant nous. Un membre d’équipage prend le fusil de chasse pour le mettre en lieu sûr. Moteurs en marche, le bateau fait marche arrière, l’eau bouillonne, de l’écume remonte à la surface. La vitesse monte et l’étrave fend l’océan. On passe sous le pont de Noirmoutier, puis cap sur l’île d’Yeu. On croise le catamaran de la compagnie YC. Un mètre de houle, puis la mer se creuse un peu plus, 1,20 à 1,80m. Des visages pâlissent, des estomacs se nouent, un marin passe rassurer les personnes malades, leur conseille de prendre un peu l’air dehors ou de se délester de leur veste.

Posé au fond du bassin, le Camelys, son reflet dans le peu d’eau qui reste. À marée haute, on monte à bord comme si le vent du large nous appelait, le cœur battant, avide de découvrir un autre horizon. On marche sur le parquet marin, timidement. On promène notre regard sur les entrailles de la bête, son intimité. On monte sur le pont supérieur grâce à une échelle fixe, on s’imagine embarquer pour une campagne de pêche, inconscient de la réalité brute. Étroitesse des cloisons, petite coquille flottante sur une immense surface parfois docile, parfois indomptable, promiscuité de vie en équipage. L’air s’infiltre par tous les orifices déposant une pellicule d’humidité poisseuse sur les installations, les espaces à vivre.

On a accosté avec un coefficient de marée de 110. Ce soir, une lune pleine, rousse et joufflue se lève exposant sa surface lumineuse et granuleuse à la vue de tous. Assis à la terrasse d’un café, face au port, on se délecte de ses faveurs.

Petit déjeuner à l’Equateur. Le soleil arrose la terrasse. La température monte. Sur la table à côté, trois femmes d’un âge certain, lunettes de soleil sur le nez, papotent, jacassent sur tout et sur rien. Un brouhaha incessant de mots qui s’entrechoquent. L’une va se rendre à la boucherie, l’autre adore le prénom de Joséphine, la troisième raconte les péripéties d’une famille, la fille divorcée travaille dans une chocolaterie, les premiers jours ça allait, mais ensuite ça s’est dégradé, elle est tombée en dépression, moi je criais tellement j’avais peur avec ces gros oiseaux qui venaient sur nous (à l’écran), c’est superbe, c’est quoi ces 30 centimes, j’en sais rien, bon bien alors…

Jour de marché

On est parti en vélo se promener au bord du littoral. Rochers balayés par le vent d’Ouest, nature minimaliste, sauvage. On respire l’air du large, on se ressource, la tête nous tourne. On se projette ailleurs, on s’imagine une autre vie au goût salin.

Au retour, ce mouvement de l’eau, comme si un rouleau avançait en dessous de la surface, creuse un léger sillon, pour rendre vivante cette masse au ton bleu-vert sombre. Se laisser bercer. Le soleil dans le dos. Et cette ligne, au loin, où se rejoint l’élément liquide et l’élément air. Le bateau de la Compagnie vendéenne trace sa route éjectant de chaque côté des paquets d’eau et d’écume qui resteront un temps comme une preuve de son passage grâce à la traînée blanche, telle une écharpe veloutée, derrière lui.

Front de mer, Fromentine

2 commentaires sur « rt|sur la côte vendéenne, l’île d’yeu en automne »

  1. comment ne pas partir en voyage avec toi en cette terre insulaire ?… tu nous racontes, on te suit, tu nous racontes en images et en mots, on aimerait être là dans le bateau nous aussi
    et quelle beauté que cette maison avec rebords de toit en bois sculpté tout comme sur ma côte préférée, un peu plus au Nord…
    merci pour cet embarquement inattendu, ces sensations de bateau poisseux, de mer houleuse, d’atmosphère à grands oiseaux blancs…

    1. merci françoise, tu me transmets toujours une impulsion qui me donne l’envie d’aller encore plus loin…

Répondre à francoiserenaud Annuler la réponse.