les voyages ne sont jamais les mêmes, pourtant c’est toujours la même force qui me propulse vers cet inconnu
De l’hôtel, nous marchons jusqu’à l’embarcadère pour prendre le Grey Lady IV High Speed. Direction, Nantucket Island. Le ciel est chargé des entrées maritimes matinales, mais le soleil tente quelques percées. Nous embarquons 30 minutes avant le départ prévu à 9:30. Nous montons au troisième niveau, un espace ouvert à l’arrière du bateau. Les rangées de 3 X 3 sièges se remplissent peu à peu.
À la sortie du port, nous laissons sur la droite les maisons d’été du clan Kennedy, leur plan d’eau de navigation. La veille, nous avions parcouru quelques rues de ce quartier privilégié où les maisons rivalisent de grandeur. Impossible de s’arrêter devant l’ancienne résidence du président JFK sans trainer derrière soi la voiture « volante » d’un vigile. Les lieux sont préservés aux regards indiscrets des promeneurs. La voie qui mène au Kennedy Compond reste privée. Ici, on garde à l’abri les traces du passé.

Le bateau vire vers le Sud, cap sur Nantucket. Les cheveux battus par le vent, nous recevons quelques embruns malgré nos places abritées.

Début des années 90, j’ai eu la possibilité de faire deux traversées vers Nantucket. Le souvenir qu’il m’en restait était celui d’une île paisible, où il faisait bon se promener dans les rues pavées, le long de Main Street, puis s’échapper en vélo vers les sentiers qui longent les plages et mènent vers les phares indiquant la présence de l’île aux navigateurs. Il y avait le souvenir d’avoir croisé l’histoire des baleiniers, l’ombre de Moby Dick et du Capitaine Achab, l’art du scrimshaw, cette tradition transmise par les marins qui consistait à graver des scènes sur de l’ivoire ou des os, les paniers de bateau-phare en rotin. Revenir sur un lieu qui a laissé autant d’empreintes dans la mémoire est-il profitable ? Ne vaut-il pas mieux laisser dans un coin de sa mémoire ces sensations pour vivre et non revivre une expérience ? Je n’ai pas la réponse. Mais j’ai l’impression de ne pas avoir visité le même lieu à 30 ans d’intervalle. Le temps a érodé les perceptions, le temps a œuvré différemment. J’ai recherché cette connexion d’un temps révolu qui n’a pas eu lieu. L’île est toujours là, son âme s’est déplacée ailleurs. Je ne l’ai pas trouvée.


Cependant, ce fut une belle journée passée sur Nantucket. Toujours ce plaisir de marcher dans les rues, d’observer les magnifiques résidences aussi belles les unes que les autres parées de planches en red cedar appelées shingles, les porches aménagés avec goût, les jardins envahis d’hortensias, de rosiers et autres arbustes dont je ne connais pas les noms. Et puis, l’océan, toujours présent qui rappelle les limites de la vie insulaire, et accompagne notre regard vers l’horizon qui aujourd’hui se confond avec le ciel. Il est déjà temps de reprendre le ferry pour rejoindre le continent et emporter cette nouvelle perception d’une île bercée par son histoire quelque peu engloutie dans le passé.






















































































































